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L'action du syndicat allemand Ver.di pour un travail décent

Intervention de Markus FUSS

Face à une numérisation et une automatisation grandissantes du travail, certaines frontières sont redéfinies en matière d’emploi. Les innovations technologiques détruisent des emplois dans certains secteurs mais en créent aussi dans d’autres. Là, de nouveaux statuts, de nouvelles conditions de travail et parfois même de nouveaux employeurs émergent. Dans ce contexte, l'encadrement des relations et des conditions de travail doivent faire l'objet d'un effort tri-partite entre syndicats, Etats et l'Europe afin de garantir un « travail décent».

 

Que doit faire l'Europe ? Pour Markus Fuss, c'est à elle d’imposer le cadre notamment en ce qui concerne les travailleurs indépendants. Est-on travailleur salarié ou indépendant ? C’est à la réglementation de le dire pour éviter que certains employeurs imposent leurs conditions aux travailleurs. Il faut ainsi selon lui « inverser la charge de la preuve ».

 

Intervenant dans le secteur des services et de la logistique, le syndicat Ver.di est directement confronté à la question des travailleurs indépendants et à la présence des plateformes numériques. Il revendique ainsi 30 000 travailleurs des plateformes parmi ses adhérents. Il constate un fort isolement, des amplitudes horaires de travail parfois importantes, une rémunération horaire faible et l'absence de protection sociale. Markus Fuss insiste par ailleurs sur le fort pouvoir de contrôle et de surveillance qu’elles exercent parfois sur les salariés. Il prend l'exemple d'un entrepôt d'Amazon à Leipzig où les salariés sont munis de scanners afin d’analyser leur activité et leur productivité. L’un d’eux a ainsi été réprimandé pour seulement deux minutes d'inactivité.

 

Comment agit le syndicat ? Il pousse notamment le gouvernement allemand à se pencher sur la question. Une première réunion de travail s’est ainsi tenue le 11 avril 2019. Elle a réuni syndicats, ministère fédéral du travail, grands groupes et plateformes dans le but de dessiner de futurs accords collectifs ou d'entreprise. Si la réponse normative doit être nationale et supranationale, les syndicats sont aussi là pour renforcer voire parfois instaurer le rapport de force avec ces nouveaux employeurs que sont les plateformes. Selon Markus Fuss, Amazon ou Zalando (plus importante plateforme de vente de chaussures en ligne basée en Allemagne), rechignent à travailler avec les syndicats du pays alors que le besoin de protection pour les travailleurs est important.

 

L’objectif pour Ver.di est d’œuvrer au renforcement des conventions collectives et du poids des branches professionnelles. Pour peser, il lui faut donc réunir les travailleurs indépendants. C’est l’autre volet d’action du syndicat. Ainsi, avec l'autre grand syndicat du pays, IG Metall, Ver.di a lancé une plateforme destinée aux travailleurs indépendants. Elle ambitionne d'être un lieu d'expression et de mise en réseau pour les travailleurs indépendants des plateformes chez qui le syndicat constate le développement de vraies formes de précarité.

 

L’objectif pour Ver.di est d’œuvrer au renforcement des conventions collectives. Pour peser, il lui faut donc réunir les travailleurs indépendants

Markus FUSS

 

En charge du « bureau de liaison politique » du syndicat allemand Ver.di. Il assure une fonction de lobbying et de représentation des intérêts du syndicat auprès des instances fédérales. Ver.di, contraction de « Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft » (« Syndicat unifié des services »), est le deuxième plus important syndicat du pays, derrière IG Metall. Créé en 2001, il est issu de la fusion de cinq organisations syndicales du secteur des services. Ver.di est membre de la confédération allemande des syndicats (DGB) et revendique 2,1 millions d'adhérents.

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